La Valeur Intrinsèque et l’Intégrité des Plantes

dans le Contexte du Génie Génétique

Compte-Rendu du colloque If gene du 9-11 mai 2001

au Goetheanum, Dornach, Suisse

Edité par David Heaf et Johannes Wirz

 

Résumé (pages 58-59)

Environ 40 personnes de professions diverses, incluant le droit, la philosophie morale, la biologie moléculaire ou holistique, la fabrication alimentaire, l’activisme environnemental, l’aide aux pays en voie de développement, et la science politique se sont rencontrées pendant deux jours en mai 2001 pour travailler sur ce thème. Voici une sélection des impressions des éditeurs sur les points clés qui ont émergé au cours de la rédaction du compte-rendu.

  1. De ce colloque multidisciplinaire, il ressort au moins pour le moment que le sens des concepts de valeur intrinsèque et d’intégrité de la plante reste flou. Il est vrai que la nouveauté de ces concepts dans l’esprit du public reflète le manque d’unité avec lequel le terme de « dignité de la créature » est présenté dans la constitution Suisse, dans ses trois langues officielles et dans sa traduction autorisée en anglais.
  2. À la différence des observations et des faits de la science quantitative qui sont obtenus sur des critères bien définis et qui possèdent un statut dépersonnalisé de vérité « objective », par exemple la hauteur des plantes, le poids sec, etc., les concepts de valeur intrinsèque et d’intégrité doivent être développés à partir de la perception personnelle de « signes ». Mais une plante est plus que la somme d’une myriade de caractères isolés. De ce fait, le contenu de ces concepts est fortement dépendant à la fois d’une vision intérieure personnelle et de la relation fondamentale entre l’homme et la nature. Cependant, ce fait ne doit pas conduire à n’attribuer que des qualités purement subjectives à la valeur intrinsèque et à l’intégrité. Au contraire, les communications présentées montrent sans l’ombre d’un doute que ce qui justifie l’attribution d’une intégrité ou d’une dignité aux plantes est enracinée dans des qualités qui doivent être appréhendées par la conscience humaine mais qui n’en résident pas moins dans les plantes elles-mêmes. Il s’ensuit que nous reconnaissons la dignité de même que nous la conférons.
  3. Il est assez facile d’attribuer un statut moral aux animaux doués de sensibilité (approche zoocentrique) sur la base de leur similarité avec l’homme, parce qu’ils peuvent ressentir la souffrance ou qu’ils présentent un système nerveux comparable. Mais attribuer un statut d’égale valeur morale aux plantes (approche biocentrique) n’est possible qu’en reconnaissant leur altérité. La question reste ouverte de savoir si cette altérité ou autonomie des plantes est inaccessible aux hommes et réside donc dans l’éternelle boite noire de leur essence ou bien si elle est ouverte à la connaissance humaine. De toute évidence, attribuer une valeur intrinsèque et une dignité aux plantes dépend d’une relation approfondie et consciente avec les plantes.
  4. À la différence des animaux, qui présentent ce que nous pouvons appeler un « centre » propre, les plantes ont tendance à refléter leurs conditions environnementales et leur contexte (approche écocentrique). De ce fait, toute approche d’un statut moral des plantes doit prendre en considération ces « qualités périphériques ». En conséquence, une évaluation approfondie de la valeur intrinsèque et de l’intégrité des plantes doit respecter cette interdépendance. Les pratiques d’amélioration et de culture des plantes ont toujours été en prise avec cette réciprocité. En général, les plantes génétiquement modifiées nécessitent des conditions de culture standardisées, qui pratiquement peuvent être créées et appliquées sur une échelle globale. D’un autre côté, la culture de plantes d’intérêt agricole dans des systèmes qui prennent en compte les différences écologiques, géographiques et culturelles requière une gamme de variétés qui soient adaptées localement. En conséquence, on peut dire que toute restriction de la diversité des plantes cultivées et toute réduction en parallèle de la diversité des systèmes de production interfèrent avec les valeurs intrinsèques et l’intégrité. Des plantes dépourvues de contexte s’avèrent des abstractions mentales.
  5. L’estimation de la valeur intrinsèque et de l’intégrité des plantes doit inclure la recherche d’une échelle de valeurs. On perçoit intuitivement que l’on ne peut juger ces propriétés de la même manière selon que l’on prend en considération l’homme, les animaux, ou les plantes. Cependant, il y a de bonnes raisons de se demander à quel niveau des processus législatifs une telle discrimination doit apparaître. La prise en compte de ces concepts dans le cadre juridique et les lois est très limitée et lorsque des approches ont été entreprises pour protéger les valeurs intrinsèques et l’intégrité des organismes vivants dans la constitution et la loi - comme en Suisse- les conséquences restent obscures et sans portée.
  6. Les méthodes d’amélioration et de production devraient satisfaire à des critères de durabilité par l’utilisation significative de processus végétatifs et de conditions de croissance naturels. Des exemples ont été présentés durant le colloque montrant que, lorsque cela est appliqué, il y a une énorme amélioration des conditions économiques, sociétales, et personnelles pour les producteurs eux-mêmes. Respecter la valeur intrinsèque et l’intégrité des plantes conduit à une réelle valeur ajoutée dans la sphère culturelle. Ceci apporte un soutien aux idées d’origine philosophique qui considèrent que ces concepts résultent de la forte interrelation pratique de la nature et de l’homme. De ce fait, les commissions, les groupes de travail, ou les comités consultatifs traitant de la question de la valeur intrinsèque et de l’intégrité des plantes devraient être vraiment interdisciplinaires et fondés sur une base élargie.
  7. Un accord général s’est dégagé quant à l’insuffisance d’une approche exclusivement basée sur le paradigme de la biologie moléculaire pour juger de l’essence de l’intégrité et de la valeur intrinsèque des plantes et pour évaluer en quoi ces attributs pourraient être violés. Par conséquent, des paradigmes alternatifs sont nécessaires. Les approches holistiques présentées par certains intervenants sont de bons exemples pour démontrer que les réflexions morales sur les plantes nécessitent un fondement spirituel. En effet, celles-ci font apparaître clairement qu’un tel fondement est accessible et communicable à une conscience moderne et qu’une observation sans préjugé des plantes avec une attention dirigée vers l’intention personnelle permettent de révéler les contextes spatiaux et temporels de celles-ci. Ces derniers transcendent les qualités d’ordre purement sensuel et s’avèrent pertinents pour la formation de jugements.
  8. Un examen minutieux des procédés techniques utilisés pour produire des plantes génétiquement modifiées illustre de façon frappante la nécessité de fonder le développement de points de vue sur la valeur intrinsèque et l’intégrité des plantes dans le contexte des manipulations génétiques à partir d’une véritable expérience. Ainsi, pour tenter de comprendre les concepts, les intentions, les hypothèses de travail ou les bénéfices et risques possibles, il est fortement recommandé d’essayer aussi d’acquérir une compréhension des situations expérimentales et des conditions de laboratoire utilisées actuellement pour les plantes. L’observation sans préjugé des processus végétatifs et de développement promet de compléter avantageusement l’arsenal d’outils visant à essayer de comprendre l’intégrité et la valeur intrinsèque de la plante.

Retourner a 'La Valeur Intrinsèque et l’Intégrité des Plantes dans le Contexte du Génie Génétique' homepage                                        Ifgene homepage